Voici quelques extraits ...
ELEGIES AU REVOIR Vous ne me voulez plus... qu' ils en cherchent la
cause !
Je ne chercherai pas. Vous ne me voulez plus...
ainsi des doux romans effeuillés : ils sont lus.
Vous avez cru me lire, et cette page est close.
Pourtant, je l' ai marquée avec un signet noir,
cette page éternelle où s' arrête ma vie.
La vôtre, quelque jour, de mémoire suivie,
tressaillera d' un mot qui s' y cache : au revoir !
Mot sans faste, mot vrai, lien de l' âme à l' âme,
rappelant tôt ou tard l' homme où pleure la femme.
Avec étonnement vous vous en souviendrez,
et, sans l' avoir prévu, ni su, vous reviendrez !
Et ce ne seront plus les parfums de la terre,
les aveux échangés dans un tremblant mystère,
les serments... tu vois bien ce qu' ils sont, les
serments !
ELEGIES AU SOLEIL ami de la pâle indigence,
sourire éternel au malheur ;
d' une intarissable indulgence
aimante et visible chaleur ;
ta flamme, d' orage trempée,
ne s' éteint jamais sans espoir ;
toi ! Tu ne m' as jamais trompée
lorsque tu m' as dit : " au revoir ! "
tu nourris le jeune platane
sous ma fenêtre sans rideau,
et de sa tête diaphane
à mes pleurs tu fais un bandeau.
Donne-nous le baiser sublime
dardé du ciel dans tes rayons,
phare entre l' abîme et l' abîme
qui fait qu' aveugles nous soyons !
à travers les monts et les nues
où l' exil se traîne à genoux,
dans nos épreuves inconnues,
âme de feu, plane sur nous !
ELEGIES DORS ! L' orage de tes jours a passé sur ma vie,
j' ai plié sous ton sort, j' ai pleuré de tes pleurs.
Où ton âme a monté mon âme l' a suivie,
pour aider tes chagrins, j' en ai fait mes douleurs.
Mais que peut l' amitié ? L' amour prend toute une
âme !
***********
Que de parfums sortent du souvenir !
Je ne sais pas d' où souffle l' espérance,
mais je l' entends rire au fond de mes pleurs.
Dieu ! Qu' elle est fraîche où brûlait la souffrance !
Que son haleine étanche de douleurs !
Passante ailée au coin du toit blottie,
y rattachant ses fils longs et dorés,
grâce à son vol, ma force est avertie :
bonheur ! Bonheur ! Je ne suis pas sortie ;
j' attends le ciel ; c' est vous, bonheur : entrez !
et le plus connu de ses poèmes
Les roses de Saadi J'ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les nouds trop serrés n'ont pu les contenir.
Les nouds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées,
Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir ;
La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée...
Respires-en sur moi l'odorant souvenir.
Marcelline
Desbordes-Valmore (1786 - 1859)